Mali : la Minusma entre le marteau et l’enclume
Le 16 juin 2023, le gouvernement malien a demandé le départ immédiat de la mission multidimensionnelle intégrée des nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). C’était lors de la réunion du Conseil de sécurité sur le rapport trimestriel du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres à New York.
« Il faut arrêter la Minusma avant qu’elle nous arrête », a déclaré Adama Diarra dit Ben le cerveau lors d’une manifestation pour le départ de la Minusma, le 28 avril 2023 au palais de la culture de Bamako.
Les soldats de la paix interviennent au Mali depuis 2013, ils interviennent dans le septentrion malien et au centre du pays. Malgré les efforts et les dangers auxquels les soldats de la paix sont confrontés sur le terrain, certaines personnalités politiques dénoncent les mauvais résultats de la mission onusienne et demandent son départ.
À l’instar des autres pays, le Mali a célébré le 29 mai 2023, la journée internationale des casques bleus, pour rendre hommage aux soldats de la paix décédés dans le cadre du maintien de la paix. À l’occasion de cette célébration, plusieurs internautes maliens ont réagi par rapport à la mission, et certains souhaitent son départ du sol malien.
« L’échec de la Minusma au Mali ne souffre d’aucune ambiguïté. La meilleure sécurisation doit toujours commencer par soi-même. Alors vouloir sécuriser le Mali sans pour autant se sécuriser n’est qu’une distraction, un folklore », estime Oumar Sangalaba, enseignant à Mopti.
Des rassemblements contre la Minusma
Au Mali, depuis plusieurs semaines, on assiste à des mouvements et des rassemblements qui sollicitent le départ de la mission multidimensionnelle intégrée des nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma).
Le 25 mai dernier, dans plusieurs villes du Mali, le mouvement Yerewolo-Debout sur les remparts a demandé le non-renouvellement du mandat de la Minusma. Dans la déclaration de la section de Mopti, on peut lire sur leur page « la Minusma a échoué sa mission », ou encore « Oui au départ de la Minusma ». Ces déclarations ont été précédées par d’autres, le premier rassemblement populaire qui a demandé le départ de la Minusma s’est déroulé le 28 avril 2023, dans la salle Bazouma Sissoko du palais de la culture.
298 casques bleus tués au Mali
De janvier 2013 à nos jours, date qui marque le début du déploiement des soldats de la paix au Mali, plusieurs casques bleus ont perdu la vie. La mission onusienne a perdu au total 298 soldats dont plus de la moitié ont trouvé la mort dans des actes hostiles des terroristes. Ce nombre élevé de morts fait de la Minusma, la mission de maintien de la paix de l’ONU la plus meurtrière au monde. La mission opère dans un contexte sécuritaire difficile et peine à imposer la paix au Mali.
Le 29 juin 2022, le Conseil de sécurité a approuvé la résolution 2640 (2022) renouvelant le mandat de la Minusma pour une année, ainsi son mandat a été prolongé jusqu’au 30 juin 2023 en maintenant ses 13 289 soldats et 1 920 policiers.
Départ « sans délai »
Le gouvernement malien a demandé, lors de la réunion du Conseil de sécurité sur le rapport trimestriel du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, le « départ sans délai » de la Minusma. Le ministre malien des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Abdoulaye Diop, a réaffirmé cette position dans un courrier confidentiel que La Voix de Mopti a consulté. Dans cette lettre à la date du 21 juin 2023, le chef de la diplomatie affirme que la réponse internationale n’a pas été en mesure d’améliorer la situation sécuritaire.
Il faut rappeler que la principale priorité stratégique de la Minusma reste l’appui à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, aussi la transition politique.
Quel avenir pour l’accord de la paix ?
La signature de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus en 2015 a permis la fin de la belligérance entre les groupes rebelles et le gouvernement malien. Mais, l’application de l’accord peine à être effective dans son intégralité. Les acteurs sont inquiets par rapport l’avenir de l’accord après le départ de la Minusma. Dans une lettre adressée à la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU, les ex-rebelles, réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), se sont exprimés sur les menaces qui planent sur l’avenir de l’accord.
« Le CSNU ayant constamment exprimé son soutien total à l’Accord, ainsi que sa détermination à prendre des mesures contre ceux qui entraveraient ces objectifs, il nous sied le devoir de saisir votre Excellence pour vous faire part de notre grande inquiétude quant à l’avenir de cet accord », peut-on lire dans la lettre.
Selon nos informations, les diplomates onusiennes cherchent des moyens pour garantir le maintien et l’application de l’accord même avec le départ de la Minusma. En attendant d’y voir clair, l’avenir du mandat de la Minusma sera décidé ce 30 juin 2023 à New York.
YOUSSOUF TRAORÉ & YACOUBA DRAMÉ