[Examen 2022] : Enquête sur la corruption dans les centres d’examen à Mopti
Chaque année, l’État injecte beaucoup d’argent dans l’organisation des examens de fin d’année. Mais, depuis un certain temps malgré cet argent, l’organisation des examens est confrontée à des difficultés : fuites de sujets et corruption. Dans cette enquête, certains acteurs qui ont l’habitude de participer à cette corruption témoignent.
La corruption est un phénomène qui gangrène les examens de fin d’année depuis bientôt 5 ans. Chaque année les écoles de la région de Mopti rivalisent pour avoir le meilleur taux de réussite possible. Cette quête pousse aussi bien les écoles publiques que privées à faire de la corruption pour arriver à leur fin. Pour les écoles publiques la raison cachée derrière cette pratique est la peur pour l’administrateur d’être remplacé en cas de faible taux de réussite. Quant aux écoles privées, le but est de pouvoir rafler plus de candidats l’année suivante.
La liste des surveillants
La corruption dans les examens se présente sous plusieurs formes. La pratique débute dès la sortie de la liste des surveillants des examens, certains directeurs et promoteurs se mettent sur leur «pied de guerre», il s’agit d’analyser la liste soigneusement, pour voir s’il y a d’éventuels surveillants qu’ils connaissent ou qu’ils peuvent corrompre.
La forme de corruption la plus répandue est la distribution de billets de banque aux surveillants le premier jour de l’examen. M. Traoré (nom modifié) évoque le cas de corruption dont il a fait l’objet : «J’ai été surveillant au DEF dans une école publique durant le mois de carême. Le matin, le président du centre nous a appelé et a donné 15.000 FCFA chacun de la part du CGS (Comité de Gestion Scolaire). La raison évoquée était qu’ils ont jugé plus pertinent de procéder ainsi pour éviter le gaspillage de nourriture car sachant que certains seront à jeun. C’était une façon de nous corrompre, dans la mesure où les frais de surveillance s’élevaient à 12.000 FCFA. J’avoue que nous avons été très conciliants avec les candidats. Et le résultat cette année là a été sans appel, presque tous les candidats ont été admis».
Promoteur corrupteur ?
Souvent, en complicité avec le président de centre, certains promoteurs d’établissement privé procèdent aux remplacements des surveillants absents par les enseignants de leur établissement. Cela aussi contribue à l’augmentation de la tricherie.
«J’ai été président de centre dans une école privée, se souvient M. Samassékou (nom modifié). Lorsque je me suis rendu dans l’école pour l’affichage des listes et le numérotage des table-bancs, j’avoue avoir été bluffé. L’école avait déjà préparé le centre, les salles étaient déjà prêtes, bien propres avec le nombre de table-bancs au complet. Le promoteur était présent ce jour-là. Apres l’affichage, il m’a invité dans le bureau que je devais utiliser durant la durée de l’examen. C’est là-bas où j’ai reçu une enveloppe de 100.000 CFA comme cadeau d’après ses propres mots.»
Si certains promoteurs et directeurs d’écoles en complicité avec leur CGS sont généralement les premiers corrupteurs, il arrive parfois de rencontrer des surveillants qui demandent de l‘argent aux élèves pour les laisser s’entre-aider ou traiter les sujets d’examen.
Surveillant indélicat
Cette pratique est plus courante au niveau du secondaire à l’examen du baccalauréat et au niveau du professionnel (le Certificat d’Aptitude professionnel et le Brevet technicien), là-bas, les élèves paient jusqu’à 5.000 FCFA par matière et 2.000 FCA pour pouvoir s’entre-aider dans la salle. Lors des épreuves pratiques de secrétariat, pour la saisie, les candidats, généralement des dames, déboursent des grosses sommes pour avoir des copies saisies.
«J’ai participé deux fois à l’examen du Brevet technicien deuxième partie. A chaque fois, lors des pratiques, des surveillants nous proposent de payer de l’argent entre 3.000 et 5.000 FCFA pour avoir plus de temps avec le dactylo ou encore pour avoir une copie déjà saisie», témoigne Oumou Touré, une ex candidate au BT à Mopti.
«A l’examen du BAC, j’ai des amies qui ont déboursées entre 300.000 et 450.000 FCFA pour pouvoir avoir accès au diplôme de baccalauréat qui sonne la fin des études au lycée», raconte Fanta Cissé, une étudiante à l’université.
Surveillance molle contre nourriture
Il existe une autre forme de corruption qui consiste à prendre soin du ventre des surveillants durant les trois jours de l’examen. Chaque école accueille les surveillants avec le petit-déjeuner et le déjeuner. Certaines écoles en font plus que d’autres, ici on ne donne pas de billets de banque mais on s’assure que pendant la durée de l’examen, les surveillants mangent bien. Et la meilleure façon de prendre soin de quelqu’un est de s’assurer qu’il a toujours le ventre plein.
«Mon école préférée se situe à Sévaré. C’est le centre le plus cool. La bouffe est garantie et elle est toujours de qualité. En plus des fruits, du thé et du Lipton misent à la disposition des surveillants, aucun de nous n’avait le cœur pour serrer la surveillance. J’ai déjà été surveillant dans ce centre deux fois déjà et chaque fois qu’on me met là-bas, j’avoue que je suis content», confie M. Diakité, un enseignant.
Il existe bien d’autres formes de corruption autour des examens de fin d’année, qui entachent la plupart du temps leur crédibilité. Il est important de commencer la lutte contre la corruption autour de nos examens afin de garantir un meilleur avenir pour les futurs détenteurs du DEF, CAP, BAC et BT. En leur garantissant des examens crédibles sans corruption aucune, nous leur assurons un avenir radieux et leur évitons par la même occasion des décrochages scolaires fautes de niveau.
La RÉDACTION
Cet article est publié dans le cadre de la campagne digitale de l’association Jeunesse émergente du Mali. Le nom de la campagne est: #ExamensSansCorruptionAMopti